COÛT DU CAPITAL



Notre richesse est détournée par la rente indue de la finance

Le coût du capital reste un tabou. Pourtant, il est depuis près de trente ans devenu prohibitif. Pour cacher cette réalité et justifier les politiques d'austérité, le capitalisme prend pour alibi le « coût du travail » qui serait à ses yeux un frein à la compétitivité, ce mot si cher au Medef.

Qu'en est-il exactement ? Pour éviter toute confusion, le coût capital a deux sens très différents.

On distingue en effet le coût du capital économique et le coût du capital financier. Le coût du capital économique (capital au sens productif) fait référence aux moyens de production – machines, usines, infrastructures, bureaux … qui sont immobilisés dans l'entreprise à des fins productives pour s'associer au travail et améliorer son efficacité. C'est à dire les dépenses d'investissements.

Le coût du capital financier représente le moyen de financement pour acheter les biens nécessaires au fonctionnement de l'entreprise. Pour être propriétaire de ses équipements, soit elle les acquiert avec ses fonds propres, c'est à dire avec les profits ou les augmentations de capital, soit elle emprunte. Dans le premier cas, elle a recours à l'argent de ses actionnaires, dans le second, à celui des prêteurs. Mais actionnaires et prêteurs réclament une contrepartie pour l'avance de leur épargne : ils sont rémunérés soit sous forme de dividendes, soit sous forme d'intérêts. Au coût économique du capital s'ajoute donc le coût de son financement constitué des intérêts et des dividendes.

Et s’il paraît légitime de rémunérer les prêteurs et les actionnaires (prise de risque en cas de faillite, et coût du système financier), l'aberration vient de la partie du coût financier quand on ôte ces rémunérations justifiables. C'est à dire le surcoût du capital. C'est donc la partie des dividendes et intérêts versés qui ne rémunère ni un service économique rendu à l'entreprise, ni une prise de risque du prêteur. Une grande partie de la rente financière n'est pas justifiée par des raisons économiques. Cette rente indue, ou surcoût du capital se chiffre à environ 100 milliards d'euros annuels, soit selon le calcul utilisé, entre 50 et 70% du coût total du capital pour l'entreprise.

Autrement dit, quand une entreprise achète pour une valeur de 100 euros de machine, il lui en coûte en réalité entre 150 et 170 euros du seul fait qu'elle doit s'acquitter d'une rente sans justification économique. La finance a ce pouvoir exorbitant d'imposer aux entreprises le versement de cette rente à un niveau qu'elle fixe elle même et qu'elle appelle « rentabilité du capital » L'activisme actionnarial soumet les entreprises à des exigences de rendement et le seuil de rentabilité réclamé par les actionnaires avoisine désormais les 15% du capital investi.

Voici quelques chiffres qui montrent l'explosion des dividendes pour le plus grand bonheur des actionnaires :

- Pour les sociétés non financières, ils sont passés de 6,9 milliards d'euros en 1978 à 247,6 milliards en 2008.

- En trente ans, leur montant a donc été multiplié par 36, quand la masse salariale ne l'était que par 4,5. Et ils n'ont guère souffert de la crise puisque nombre de grandes entreprises distribuent toujours des sommes mirobolantes, quels que soient leurs résultats.

- Après avoir fermé Florange, ArcelorMittal a versé 910 millions de dividendes à ses actionnaires en 2012 malgré une perte de 2,8 milliards d'euros.


- En 2011, Orange a versé 3,6 milliards d'euros, soit plus de trois fois le montant de ses bénéfices. En dix ans, cet opérateur de téléphonie a versé 27 milliards d'euros à ses actionnaires. Les chiffres sont têtus …

Ainsi, depuis une trentaine d'année, on assiste à un transfert de richesses qui est passé de 3% de la valeur ajoutée à 9% aujourd'hui et qui ne sert pas à investir dans le développement économique, ni à augmenter les salaires et le pouvoir d'achat. Le gâchis est énorme. La croissance a perdu 5 à 6% depuis les années 1970 et le PIB (environ 2000 milliards d'euros) est le même qu'en 2007. L'économie fait du sur place pendant que le chômage et la pauvreté explosent.

Ainsi, le capital a un coût économique et environnemental, mais également social. Pour mettre fin à ce désastre, il faut valoriser le travail et dévaloriser le capital. En finir avec la financiarisation de l'économie. Augmenter les salaires, créer des emplois qualifiés, développer la production par les investissements, étendre la recherche …

C'est surtout remettre l'humain au coeur de l'économie.

Daniel

Section de Nancy,

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